gentlemen farmerL'élégance avec le confort

Pas d’incompatibilité entre un look élégant et confort ! Pas illogique de vouloir se sentir bien dans ses vêtements en période de froid ou de frimas, sans pour autant laisser place au grizzli qui est en vous ! Le bon mix entre ces deux considérations s’appelle en mode, le style « gentleman farmer » ou « country chic » selon les lieux et contextes.


Largement démocratisée par nos amis anglo-saxons, comme souvent en matière de tendances masculines, cette cool-attitude pas si cool que ça, prend racine dans les coulisses de la gentry britannique, new-yorkaise des Hamptons, mais aussi dans les silhouettes beaucoup moins glamour de certains professionnels du plein air (bûcherons, fermiers, jardiniers etc.). Désormais elle s’inspire aussi du look dandy (largement étudié récemment), avec ce côté romantique et bucolique qui ne sied qu’aux amoureux des grands espaces, épris également de style.


Un mix donc que cette tendance, plus proche encore une fois du style de vie que du phénomène de mode, et toute une philosophie vestimentaire assez simple à décrypter. On pourrait ainsi schématiser le « gentilhomme fermier » comme quelqu’un qui prendrait ses quartiers libres dans une maison de campagne assez bourgeoise et dont le look devrait pouvoir s’adapter à ses changements incessants de milieux, sans se départir de sa classe innée. Passe-partout, universel, le gentleman-farmer promène son flegme à la ville comme à la campagne, habillé de classiques intemporels mais ne rechignant pas sur les mix un peu audacieux. Plus à l’aise dans une ambiance chaleureuse, il est tout de même très adaptable, changeant sa paire de boots pour un soulier habillé en un tour de main, mais c’est tout, le reste est de la plus stricte élégance.

Casual chic

Le fameux « casual-chic » du 21ème siècle, mise sur les matières nobles et chaudes (velours côtelé ou lisse), les lainages comme le tweed ou les toiles cirées chères aux addicts des vestes de chasse. Les couleurs de rigueur sont évidemment les teintes automnales : marron, camel, taupe, bordeaux et moutarde peuvent faire place à quelques tentations rouges, vertes ou bleues, proches des imprimés écossais, qui son d’ailleurs une valeur montante du genre.

Cowboy trendy

Très galvaudé par les blockbusters américains, le confondant souvent avec la silhouette « cowboy trendy » , l’allure campagne-chic a fait les beaux jours des plus grandes stars américaines ou britanniques.  De Robert Redford, totalement dans le trip baroudeur chic d’ « Out of Africa », Brad Pitt, découvert dans le très écolo « Et au milieu coule une rivière » puis intronisé dans « Légendes d’automne », cheveux fous et chemises aux manches relevées, bretelles et chapeau très très country, à Colin Firth, prenant villégiature dans un petit village provençal et abandonnant ses costumes londoniens pour de lourdes vestes de lainages croisées, dans « Love Actually », en passant  par les personnages masculins de la série à succès « Downtown Abbey », se promenant toujours dans la plus pure élégance country, au gré de leurs milliards d’hectares en fermage, parapluies en mains et bottes de chasse aux pieds, qu’il pleuve ou non …

Le cottage

L’esprit cottage, week-end douillet au coin du feu, l’envie de cocooner en restant élégant, sont très symptomatiques d’une époque où l’on tente de se rassurer avec des valeurs terriennes, solides au possible, et les matériaux nobles, durables, font partie du jeu. On préfère investir dans un beau cachemire, même dans des formes plus décontractées, type pull camionneur ou veste d’intérieur, plutôt que dans des matières moins qualitatives et périssables. On choisit de la vraie toile, des matelassés, des cotons huilés, des cuirs à tanner avec élégance, des basiques au bon goût d’antan, à l ‘épreuve des changements de mode. On réinvestit des territoires oubliés, comme le bon vieux gilet, les chemises écossaises, les boots ou les derbies Richelieu.

gants homme

Gants en cuir et en tweed, dans le plus pur style Gentleman Farmer.


Symbole unanime de cette tendance, la veste de chasse a traversé les époques sans trop de dommages, jusqu’à revenir au top des désirables  du style « campagne-chic » 2015.

Campagne chic et Barbour

A l’origine, un écossais, John Barbour, fonde Barbour & Sons à la fin du 19ème siècle, pour équiper les pêcheurs, bergers et dockers en vestes cirées de protection, et d’autres références imperméables. Très vite rattrapé par le succès, il lance une gamme de vêtements outdoor pour le grand publique et les premières vestes éponymes. En 1934, il crée une veste de moto. Pendant la seconde guerre mondiale, des vêtements pour la Royal Navy et les équipages de sous-marins. En 1974, l’entreprise reçoit sa première « patente » du duc d’Edinburgh, en tant que vêtement officiel de la couronne britannique, s’en suivra celle de la reine Elizabeth en 1982 et celle du Prince de Galles en 1987. On peut  d’ailleurs souvent observer la famille royale vêtue du modèle classique de la maison. Ce style typiquement britannique, cette façon toujours aussi méticuleuse et qualitative, puisque toujours produite à la main dans l’usine de Simonside en Ecosse, en font un pilier du look gentleman farmer anglais et mondial.


Les matériaux :

un coton égyptien, du laiton anti-corrosion pour les fermetures, et une résistance sur le terrain à toute épreuve. Portée avec un jean indigo, un chino de couleur vive, sur un costume avec une longueur correspondant évidemment à celle de la veste, elle est aussi faite pour se patiner. Le but étant actuellement de l’éclaircir un peu pour lui donner un côté vintage. Une écharpe, des gants en peau, un t-shirt graphique, une besace nature et des stan smith pour rester urbain, à la mode Sartorialist avec blazer droit, cravate en maille, pantalon 50’s et derbies ou totalement chasse avec bottes et pantalon kaki raccord, elle est absolument multifonction et donne une crédibilité à votre dressing automne-hiver.

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Autre héritage saxon, le trench, ou imperméable à la française, est le compagnon idéal des premiers jours de froid, de pluie, et autres désagréments de nos demi-saisons.  Son créateur, le fameux Thomas Burberry, réalisa ses premières pièces pour les officiers de l’armée anglaise. « Lord Kitchener » fut un des premiers à l’adopter, contribuant ainsi à le populariser. Beaucoup plus facile à porter que les anciens manteaux militaires en mackintosh lourd étanchéifié, le trench promenait sa gabardine de coton en toute légèreté et était fourni avec une boucle en D en métal pour y accrocher le matériel de ces messieurs. Après la guerre, ces derniers continueront à le porter dans le civil, et si la boucle en D est aujourd'hui simplement décorative, elle reste, de même que les autres détails, fidèle aux modèle d’origine. Réinterprété maintes fois depuis des décennies, ce prince des impers a été proposé dans de nouvelles matières et  de nouveaux coloris et a bien sûr fait des émules. Toutes les grandes marques ont ainsi leur trench « attitré » et sa silhouette élégante et décontractée a l’avantage de convenir à beaucoup de styles masculins différents. En l’occurrence, le GL le porte en route pour la ville, sur un costume ou sur une tenue plus smart, avec une casquette et un nœud papillon pour parfaire l’idée, ou à la campagne, sur des bottes, en cas de petite pluie fine et mesquine.

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Le tweed, cette matière exceptionnelle, dont le nom proviendrait d’un conte de 1830, est aussi un basique de la garde-robe Campagne-chic. Ce tissu en laine cardée, très souple et à l’aspect presque « fait main », a commencé à se diversifier au XIXème siècle. Le plus célèbre restant le « Harris tweed », typique de la garde-robe du gentleman-farmer. Le Donega (fils blancs), le Shepherd’s check (pied-de-poule en France), le Herringbone, le varied Herringbone, l’Houndstooth (laine de moutons des Monts Cheviot), le Cover-coat et le Bedford (tissu très lourd destiné au veste pour la chasse), forment la majorité des tweed utilisé dans le textile actuel, avec bien entendu, des qualités très différentes.


Utilisé prioritairement pour sa solidité et ses qualités thermiques, il est le compagnon idéal de vos parties de chasse en Ecosse, mais aussi de vos jeans de week-end, ou d’une tenue casual-vintage. Revenu en force dans les maisons de confection, en vestes (avec les coudières cuir évidemment…), pantalons, gilets ou même accessoires type casquettes, le plus fameux reste donc le « Harris Tweed », à la base, tissé main par des insulaires des îles Hébrides Extérieures, et plus précisément sur les ïles Harris, il est à composé de laine vierge teinte et filée dans cette même région d’Ecosse. Pour la petite histoire, c’est en tweed que Gabrielle Chanel fabriqua ses premières vestes iconiques en 1954, inspiré d’une veste d’homme…On évite de mélanger les motifs et matières entre le haut et le bas. Il faut une expertise certaine de l’attitude « Gentleman Farmer » pour commencer ce genre d’accords en toute impunité !

Les Imprimés

Pour rester sous les mêmes latitudes, nous pouvons également parler du fameux imprimé écossais. Un autre incontournable de la mode masculine, ayant connu des hauts et des bas, mais jamais évincé du vestiaire homme, et très en accord avec les valeurs identitaires de notre style du moment : l’écossais, le Gentleman farmer se régale de tartans et peut en glisser de petites touches dans ses silhouettes, sans complexe.

Plus compliqué en  gros volume comme sur une veste, l’imprimé est top en cravates, nœuds papillons ou pochettes. Très apprécié pour ses couleurs, c’est la touche qui fait la différence, le clin d’œil so british qui sophistiquera votre parka ou vos pantalons de velours et leur donnera plus de relief. Les pros choisiront leurs tartans chez leurs fournisseurs officiels et en fonction de leurs origines claniques, puisqu’on le sait, ces merveilleux tissages sont l’emblème des familles celtes depuis le XIXème siècle.


Sur des chemises, dans des tons neutres et des imprimés pas trop lourds, c’est un peu la cerise sur le gâteau, et le détail authentique qui marque votre tenue. De toutes façons, qu’on se le dise : le carreau peut investir les chemises de votre penderie sans vergogne,  mais peut aussi laisser place à un peu d’Oxford, et à quelques incursions de polos griffés pour les ambiances plus sportives ou « nature »…

Les accessoires du Gentleman Farmer

En parfait détail fantaisie, le nœud papillon peut  totalement intégrer le look Gentleman Farmer. 

Surtout ne pas craindre les combinaisons paradoxales, les collectionner dans de nombreux coloris, motifs, et oser les associer à des chemises à carreaux, à des pochettes dissonantes, ou à des bretelles subtiles.

Comme dans l’esprit dandy, il prend toute sa dimension dans des looks complets, travaillés.

Le foulard, ce très pratique et très élégant accessoire masculin, prend toute sa dimension dans le style campagne-chic.

Plus détendu que dans le look dandy mais plus symbolique d’une posture sociale que la cravate, le foulard se porte à la ville comme aux « champs ».

Dans les tons que nous avons décrits plus haut, sur de l’imprimé cachemire distingué ou même uni, il finit le look avec distinction et rehausse même les teints un peu ténébreux d’hiver, si l’on choisit la bonne nuance.

La façon de le nouer : façon lavallière, sobrement dissimulé dans le col de chemise ou en écharpe, vous avez l’embarras du choix dans les limites de l’élégance et du maintien convenu!

Derbies ou Richelieu, bottes de cuir, boots, les GF (abréviation de nos chers amis stylés), aiment donc les matières nobles et choisissent de se chausser en tout bon sens. Le confort est incontournable, et pour cela, rien de tel que les bonnes vieilles méthodes de fabrication : du sur-mesure ou de la marque anthologique, type Church’s ou Weston, chez qui nos fashion victims bucoliques peuvent allègrement couvrir leur précieux orteils pour les journées à l’intérieur ou le soir. Et pour la journée, les marches lentes dans les Landes brumeuses, rien de tel que la bonne boots increvable ou carrément la botte de caoutchouc…oui mais royale elle-aussi, de la Hunter s’il-vous-plaît, pour sa « Queen Patent » perso, ou la « Le Chameau », française et née en 1927 en Normandie (peut-être un lien de cause à effet ???), et très reconnaissable à l ‘épaisseur de son matériau.

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Le pantalon du GF est confortable aussi, plutôt large, plutôt à pinces, et souvent en velours côtelé. Le fameux « Corduroy » anglais,  déformation de « corde du roi », en référence à une ancienne prédilection de l’aristocratie britannique  pour ce type de tissu, peut avoir différents types de sillons : le 500 raies (500 sillons par mètre), le 750 raies ou le milleraies, must du genre. Le moins « rayé » étant  considéré comme le plus casual et vice-versa. Ce tissu fabriqué de façon particulière pour obtenir un toucher velouté, et dont le nom français vient du latin « villosus » (couvert de poils), est constitué d’une trame dans laquelle s’intègrent des fils plus ou moins longs et plus ou moins couchés, qui peuvent donc être coupés au rasoir pour créer les lignes. Equivalent saisonnier du chino d’été, le pantalon de velours est celui que l’on ne quitte plus dès les premiers frimas. Des marques les plus huppées aux plus « grand public », il est « le Jean du Gentleman » ainsi que le nomme Bernard  Roetzel, expert en mode, et le binôme parfait de la boots en veau velours.

Pour l’accompagner, les bretelles sont aussi une bonne alternative à la raideur des ceintures en cuir. On les choisit sobres, pourquoi pas trois attaches, et on les porte de façon anecdotique, pas comme une évidence stylistique. On évite le côté un peu désuet du total look ceinture plus bretelles. On choisit une chemise pas trop fit pour éviter l’effet engoncé et disgracieux, et  on essaie de se rapprocher des allures années 30, type golfeur.

La ceinture restant entre temps une évidence, elle est encore majoritairement dans les plus belles peausseries, assorties bien sûr aux chaussures, et de préférence à boucle discrète, sans chichi. Selon les moments de la journée, elle pourra aussi être en toile, tissée, dans un esprit nature assumée, pour plus de légèreté.

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Le GL aime la simplicité travaillée, et se reconnaît bien dans une certaine rigueur des accessoires, y compris pour la casquette, élément de choix du profil nature-chic, qu’il choisira en tweed ou en écossais dans les plus belles maisons britanniques (chez Jaxon, Burberry ou Barbour , Bates, par exemple), uni en cachemire pour le confort. Le modèle de chasse se porte assez facilement, excepté peut-être sur les visages trop émaciés qui devront prendre garde à la choisir bien ajuster pour ne pas disparaître sous le gabarit. On ne la porte pas non plus trop près des yeux, ni trop en arrière, un peu trop « Gavroche », la bonne hauteur étant au milieu du front et avec un léger angle.

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Autre couvre-chef bien dans le style, le feutre ou Borsalino de couleur neutre. La qualité du feutre dépend essentiellement de la matière première. La laine, assez perméable est réservée aux chapeaux ordinaires, et se déformera facilement, les feutres de poils (type castor, nobles et chers, lapin par ordre croissant de qualité : domestique, garenne et lièvre) peuvent durer toute une vie au moins. Une vraie touche de personnalité à oser. Le port du chapeau pose la silhouette sans l’alourdir, si vous choisissez encore une fois le bon modèle à la bonne taille : on passe donc obligatoirement par la case essayage, et si possible avec avis de professionnel en option.

En synthèse

On l’a bien compris, le look Gentleman-farmer est donc un assortiment de bons classiques  pouvant traverser les époques sans une ride. En l’adoptant, on emprunte aussi des us et coutumes, des fidélités à certaines marques, des attitudes moins figées que dans des allures plus classiques, et surtout, on se sent remarquablement bien que ce soit en mode détente ou dans des contextes plus sérieux. Icône absolue du style en France, le comédien Philippe Noiret est aussi considéré par nos voisins anglais comme une référence en la matière. Esthète et exigeant, il marqua la mode masculine de ses costumes de tweed impeccables, ses chaussures Lobb, ses foulards en soie de chez Hilditch and Key, ses casquettes de chez Gelot, sortant les Gentlemen-farmers de leurs refuges en Sologne  et de leurs haras normands, pour leur donner une légitimité mode réelle. Puriste, il fut aussi l’une des premiers à promouvoir les artisans, expliquant même ceci : « Quand j’entends certains parler « d’industrie du luxe » je trouve l’expression complètement absurde. Pour moi, le luxe ne saurait être une industrie. Ce ne peut être qu’un objet fabriqué par un artisan, c’est-à-dire unique, commandé par une personne pour une autre personne. »


Elitiste certes, mais salvateur pour toute une branche de  professionnels de la mode qui n’avaient plus guère de perspectives d’avenir à une certaine époque. Il confiait aussi avoir le sentiment d’une certaine protection exercée par les vêtements qu’il portait.  Une dimension sentimentale et quasi philosophique dans le fait de se vêtir avec des pièces de style mais dans une totale liberté d’accords confinant à l’art.


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Dans l’absolu, pas d’âge particulier pour commencer à se sentir l’âme d’un gentleman et encore moins pour apprécier le style campagne chic. Les campagnes Ralph Lauren ont toutes données le ton depuis les années 80, en présentant des familles lookées au grand complet, ou des thèmes père-fils très réussis. Pas d’idées passéistes donc dans ces silhouettes, une idée d’héritage plutôt. Une transmission de valeurs, un héritage stylistique souvent plébiscité par les jeunes générations, après avoir été rejeté par les rejetons de 68, mettant à mal toutes les références bourgeoises.


En 2014, les égéries pourraient bien s’appeler Bradley Cooper, Robert Pattinson ou Simon Baker. Johnny Depp aussi, dans une version plus trash, mais finalement assez proche de la culture du mix et de l’accessoire.

 

gentleman farmer


Les Gentlemen Farmer sont ainsi les dignes héritiers d’une longue lignée d’hommes élégants, et soucieux non seulement de leur allure, mais aussi des lignes, des matériaux et des artisans à l’origine de ce qu’ils portaient. Proches de la nature, c’est justement leur caractère terrien qui leur apporte cet amour inconditionnel des belles choses et préfigure leur intérêt général pour tout ce qui touche à l’authentique.

 

Marie Masuyer

Journaliste Mode pour Cravate Avenue

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